En janvier 2024, Emmanuel Macron et Gabriel Attal ont prononcé des discours soulignant leur dévouement envers les services publics. Les efforts promis seront-ils toutefois suffisants ? Face aux besoins de la société française, comment transformer notre éducation, notre santé ou notre justice ?
Guillaume Erner reçoit :
🎙️ Lucie Castets, co-porte-parole du collectif “Nos services publics” et fonctionnaire
🎙️ Jérôme Wittwer, professeur d’économie à l’Université de Bordeaux et responsable de l’équipe émergente EMOS “Économie et gestion des organisations de la santé” du centre Bordeaux Population Health
Une forte augmentation de la demande
Malgré l’augmentation des moyens mis en œuvre dans les services publics, il y a aujourd’hui un consensus sur son dysfonctionnement. Même si le nombre d’agents publics est passé de 4,8 à 5,4 millions, l’école, l’hôpital, ou encore la justice sont en grande difficulté face à une demande se faisant de plus en plus forte. Lucie Castets, porte-parole du collectif Nos services publics, étudie cette problématique dans son Rapport sur l’état de nos services publics, publié aux éditions Equateurs : “ce qu’on a observé, c’est effectivement que les besoins sociaux sont en très forte évolution, ce qui sollicite grandement les services publics”. Elle revient sur les causes de cette hausse : “si on parle de facteurs exogènes, donc plutôt extérieurs, on peut mentionner l’évolution démographique. Il y a également des facteurs endogènes liés à des attentes différentes dans la société. Par exemple, on considère qu’il y a des attentes croissantes en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, qui pèsent donc sur la justice et la sécurité”.
Un accroissement des inégalités
Cet écart entre les besoins croissants de la population et des moyens insuffisants laissent place à une offre privée, destinée davantage à des populations favorisées. “C’est particulièrement le cas dans l’éducation, indique Lucie Castets. Dans un certain nombre de secteurs du service public, le privé est subventionné par l’État pour le concurrencer, alors que lui seul conserve l’exigence d’accueillir tous les publics avec des moyens toujours plus contraints. Ce que l’on sait par ailleurs, c’est que l’enseignement privé sous contrat est financé à 73% sur fonds publics, ce qui représente environ 8,5 milliards d’euros pour un budget annuel, alors qu’il bénéficie majoritairement à des enfants issus de classes sociales favorisées. Cela contribue en retour à accroître les inégalités.”
L’hôpital en difficulté
Jérôme Wittwer, professeur d’économie à l’Université de Bordeaux, spécialiste de l’évaluation économique des politiques de santé, revient sur le cas particulier des affections de longue durée (ALD) : “c’est un facteur d’augmentation de la demande de soins très important. Les causes sont clairement identifiées. C’est d’abord le vieillissement de la population, puisque les personnes souffrant de maladies chroniques ont généralement plus de 60 ans. Le deuxième facteur est un dépistage et une prise en charge de plus en plus précoce. Enfin on peut expliquer ce phénomène par des raisons épidémiologiques pour certaines maladies chroniques”.
Lucie Castets revient sur la tension entre le public et le privé dans le domaine hospitalier : “on voit que progressivement, il y a une forme de spécialisation entre l’hôpital public et les cliniques privées à but lucratif, au détriment total de l’hôpital public. Les cliniques privées récupèrent les actes les plus rentables et les plus faciles à exécuter, des actes courts et plutôt chirurgicaux, tandis que l’hôpital public doit accueillir tout le monde et prendre en charge les maladies longues, en particulier des maladies chroniques décompensées.”
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